Action 5 : L’accident de Fukushima et ses impacts sur la gouvernance de la sûreté nucléaire (Pilote : Olivier Borraz)



Comme tout accident de grande ampleur, Fukushima fait l’objet d’un important travail d’interprétation. Il s’agit de déterminer les facteurs ayant conduit à l’accident puis à ses conséquences, dans un souci d’amélioration continue de la sûreté nucléaire. Cet effort est indissociable des enjeux politiques et économiques qui entourent cette filière, au-delà des questions technologiques couvertes par le volet 1 du projet.

Cette action comportera trois niveaux d’analyse. Tout d’abord, il s’agira de revenir sur la gestion de l’accident par l’ASN et l’IRSN en France. Celui-ci les place face à un exercice de crise grandeur nature permettant de tester les dispositifs de gestion de crise qui seraient mobilisés en cas d’accident sur le sol français. L’enjeu est alors de démontrer le chemin parcouru depuis l’accident de Tchernobyl en 1986, en se référant régulièrement à ce dernier comme contre-exemple. Mais il est aussi d’évoquer implicitement la situation du nucléaire en France, tout en parlant explicitement du cas japonais. Il s’agit de se démarquer de la manière dont les autorités japonaises et l’entreprise Tepco ont géré la crise. L’enjeu n’est pas seulement de démontrer le degré de préparation des autorités françaises en cas de survenue d’une crise : il est aussi de souligner qu’un tel accident ne pourrait pas se produire en France, qu’il s’agisse de son déclenchement ou de sa mauvaise gestion une fois l’accident survenu. Autrement dit, il s’agit de rassurer sur le degré de sûreté de la filière française. Ensuite, l’accident de Fukushima contribue à la construction d’une « Europe de la sûreté nucléaire ». Des structures plus techniques comme WENRA ou ETSON, ou politiques comme ENSREG, offrent des espaces dans lesquels différents opérateurs, instances ou autorités nationaux se retrouvent pour partager leurs analyses de l’accident et de sa gestion et élaborer de nouvelles règles ou doctrines destinées à éviter la survenue d’un tel événement en Europe et, en cas d’occurrence, d’en limiter les conséquences. Enfin, à l’échelle internationale l’AIEA tend à promouvoir des formes de gouvernance de la sûreté nucléaire dans un cadre régional. A l’échelle européenne, ces formes supposent à nouveau des formes de convergence entre les différents intervenants, notamment autour d’éléments de doctrines et d’instruments, mais aussi d’outils de coordination. Chaque niveau comporte donc ses propres enjeux politiques et économiques. Pourtant, ils sont indissociables les uns des autres et appellent des formes de coordination verticales.

Pour mener à bien cette étude, les opérations suivantes seront réalisées :

- Une analyse de la gestion de la crise de Fukushima par l’ASN et l’IRSN, fondée sur des entretiens semi-directifs et une analyse des productions écrites. L’étude concernera : les données utilisées par les cellules de crise (origine, modalité de collecte, etc.) et leur interprétation (référentiels, cadres d’analyse et de vérification, etc.) ; l’écriture des rapports et communiqués ; les relations entre les cellules IRSN et ASN ; les relations avec les autres acteurs de la filière nucléaire française (EDF, Areva, CEA) ; avec les ministères (Industrie, Développement Durable, Premier Ministre) ; avec leurs homologues japonais ; avec le monde de la recherche et de l’expertise (CNRS, universités, ...) ; avec les opposants (Réseau Sortir du Nucléaire, Greenpeace, ...) ; avec les médias.

- Une analyse des discussions et négociations au sein des différentes instances européennes en charge de la sûreté nucléaire : par des entretiens semi-directifs et une analyse des productions écrites, il s’agira de restituer le travail d’interprétation en cours, ainsi que les débats autour des solutions à mettre en œuvre pour remédier aux causes de l’accident et améliorer l’organisation de la gestion de la crise.

- L’analyse de l’émergence d’une gouvernance européenne de la sûreté nucléaire, dans un cadre international sous l’égide de l’AIEA : par des entretiens semi-directifs et une analyse des productions écrites, on s’intéressera aux efforts entrepris dans différentes enceintes internationales (AIEA, mais aussi OCDE, Nuclear energy agency, WANO, WENRA, ...) pour avancer dans le sens d’une plus grande convergence, ainsi qu’une meilleure coordination entre les dispositifs nationaux de gestion de la crise.

Les résultats attendus sont de deux natures :

- Un retour sur la manière dont l’accident de Fukushima a été géré par l’ASN et l’IRSN, mettant en évidence tant les difficultés rencontrées par ces deux structures durant la crise et leur capacité à produire des informations qui ont souvent été jugées fiables. Ce retour devra aussi indiquer les améliorations possibles dans les instruments de coordination entre les différents acteurs du nucléaire en France.

- Une analyse des enjeux qui entourent le travail d’interprétation de Fukushima et des suites à donner à cet accident, de manière à mieux positionner la contribution que pourraient apporter les acteurs français dans les négociations qui ont été engagées autour des futurs éléments de doctrine et de gouvernance de la sûreté nucléaire.