Action 3 : Impacts de Fukushima sur les référentiels et pratiques de conception des réacteurs du futur (Pilote : Stéphanie Tillement)
La France est aujourd’hui engagée dans des projets de conception de réacteurs de nouvelle génération (Gen3, Gen4) impliquant des acteurs distincts aux niveaux national et international et comportant de nombreuses incertitudes. Or la qualité de la conception des installations joue un rôle majeur dans la sûreté nucléaire. Dans le contexte post-Fukushima, il nous paraît essentiel de comprendre comment cet accident peut réinterroger la façon dont sont pris en compte les critères de sûreté et d’exploitabilité dans la conception des réacteurs du futur et comment est géré le dilemme « incertitude / irréversibilité » (Midler, 1993) . En effet, pour pouvoir « agir et décider en situation d’incertitude », les concepteurs s’appuient sur une série d’hypothèses, parfois implicites, grâce auxquelles ils pensent réduire l’incertitude, se donnant ainsi l’illusion d’une plus grande maîtrise. Mais elles peuvent aussi augmenter la vulnérabilité face aux événements imprévus, en créant une opacité et en « empêchant » les acteurs de détecter d’autres sources d’incertitude et de possibles écueils.
Ces projets étant déjà engagés, il s’agit de comprendre les hypothèses à la base des choix de conception, selon le positionnement des différents acteurs, et dans quelle mesure elles ont été remises en cause par l’accident de Fukushima.
Notre démarche d’enquête est qualitative, et se décline en trois phases :
1) Retour d’Expérience (REx) du processus de conception mis en œuvre sur Gen3 ;
2) Identification des scénarios technologiques envisagés sur Gen4 ;
3) Etude approfondie de deux scénarios (RNR sodium et ADS).
Chaque phase s’appuie sur des entretiens auprès de tous les acteurs engagés dans la conception des réacteurs de GEN4 : CNRS, IRSN, CEA, Areva, etc. et auprès des exploitants (EDF) pour un REx sur GEN3. Elle repose également sur l’observation de réunions d’échanges scientifiques entre par exemple le CNRS et l’IRSN, ou encore de réunions d’avancement organisées dans le cadre de projets de conception.
Ce dilemme peut s’exprimer ainsi : au fur et à mesure que le projet avance, la connaissance sur le projet augmente, mais les possibilités de choix diminuent. Les résultats attendus se concentrent sur l’amélioration du processus de conception par :
- l’identification des épreuves favorisant la création de connaissances et à l’inverse les phénomènes de « lock-in » technologique, économique ou organisationnel qui figent des hypothèses de conception et réduisent les marges de manœuvre des acteurs,
- l’identification des conditions organisationnelles propices à :
o la communication des résultats des épreuves,
o la réactivité aux alertes formulées,
o la capacité collective de résolution des problèmes émergents.
Le tout doit permettre de renforcer la prise en compte de la sûreté dans le processus de conception des technologies nucléaires, et d’améliorer la collaboration inter-organisationnelle. En particulier, si l’on se place dans la situation « post-Fukushima », il s’agit de comprendre comment cet événement peut être considéré par les concepteurs et les équipes projet comme une « épreuve » susceptible de remettre en cause leurs hypothèses et de les engager dans un nouveau processus d’apprentissage.
S’il apparaît indispensable de travailler à l’amélioration de la prévention des accidents, l’accident de Fukushima, et les ECS qui l’ont suivi, montrent l’importance de s’interroger également sur les modalités de gestion de crise, au niveau inter-organisationnel. C’est l’objet du volet 2.