La façon dont les sociétés prennent en charge la question de l’environnement met en jeu des transactions entre les différents acteurs sociaux qui y participent. Depuis le XIXème siècle, le traitement juridique du risque industriel s’inscrit dans une politique de sécurité publique définie par l’Etat et organisée autour de la gestion des nuisances. Le calcul des probabilités a ouvert un champ de recherche au XVII et XVIIIe siècles dans la perspective de maîtriser l’aléa. Durant deux siècles, rappelle Peretti-Watel (2000), le calcul probabiliste va essaimer dans toutes les sciences. Allié à la statistique publique, le calcul probabiliste devient un redoutable outil de prévision. Il s’agit alors de considérer les données statistiques comme autant de réalisations de phénomènes aléatoires soumis à des lois mathématiques. Associé à des mesures et des calculs probabilistes, le rapport au risque s’appuie sur des avis d’experts légitimement désignés à traiter tout problème au nom de leurs compétences techniques. Le « discours de la maîtrise » (Gilbert, 1996) appliqué à la gestion du risque confère un caractère prédictif aux solutions et normes envisagées. Sur le long terme, ces modalités de gestion ont évolué avec la montée en expertise des associations et leur part croissante dans la mise à l’agenda des questions d’environnement.


Le défaut de consensus social sur ce qui est dangereux ou non, sur le niveau de dangerosité ou sur ce qu’il convient de faire en situation d’incertitude et, en définitive, sur le degré d’acceptation du risque, constituent des défis sociétaux majeurs. En effet, notre société est paradoxale : de moins en moins dangereuse, mais de plus en plus risquée. La prolifération contemporaine de la notion de risque s’attache aussi bien aux grandes menaces planétaires (destruction de la couche d’ozone, effet de serre…) qu’aux comportements individuels qui ponctuent notre quotidien (tabagisme, conduite automobile…). Les risques écologiques ou technologiques révèlent le fossé qui sépare les experts des profanes et suscitent de nouvelles exigences démocratiques, tandis que les risques individuels modifient notre façon de concevoir nos rapports avec autrui.


Au fil du temps, le risque s’est imposé comme une entrée pertinente pour comprendre les sociétés contemporaines et les défis auxquels elles doivent faire face, au point que d’aucuns, à l’instar du sociologue allemand Ulrich Beck, annoncent l’émergence d’une « société du risque ». Beck considère en effet ainsi que la science est devenue l’instrument incontournable de mesure et de gestion des risques contemporains, et se trouve confrontée à des exigences nouvelles. Mais, pour accepter un risque donné, encore faudrait-il que les connaissances minimales nécessaires à la compréhension des situations à risques et des alternatives envisageables soient acquises par les individus. Or, en entretenant l’illusion que les risques peuvent être entièrement éliminés, ou du moins maîtrisés, l’expertise scientifique est source de bien des malentendus. La société contemporaine, société – industrielle – du risque, devient alors un lieu de méfiance généralisé où profanes, et parfois même les experts, doutent et remettent en question les fondements sur lesquels elle s’est construite.

 

Les Journées du Risque organisées dans le cadre de la Chaire Rite visent à initier des débats interdisciplinaires sur la mesure du risque, ses représentations sociales et les processus de régulation et de décision.


Deux axes structureront les débats :

  • Un premier axe présentera des regards interdisciplinaires sur des objets communs d’études. Autour du sol, de l’air et de l’eau, les scientifiques, gestionnaires et acteurs publics présenteront leurs façons d’appréhender les risques.
  • Un deuxième axe présentera les apports et limites de la mesure du risque et portera sur l’analyse des représentations et les nouvelles formes de régulation initiées par la notion de risque.