L'Apprentissage par l'Action en sciences physiques

Origine et adaptation au cursus de l'EMNantes


Le module Apa est une adaptation au cursus et aux objectifs de l'Ecole des Mines de Nantes du cours intitulé "Zap!" développé depuis 1988, d'abord au Massachussets Institute of Technology, puis au Californian Institute of Technology, par Jerry Pine, John King, Philip Morrison et Phylis Morrison.
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Professeur au Caltech où Zap! concernait chaque année quelque deux cents étudiants, Jerry Pine nous a, au début de l'année 1996, très aimablement aidés à découvrir cette autre manière d'enseigner la technique et les sciences. Nous lui en sommes profondément reconnaissants.

A l'origine, Zap !                          
                                Adaptation au cursus de l'Ecole des Mines              

Deux exemples des difficultés rencontrées


A l'origine, Zap! :

La thématique générale de Zap! s'intitulait "Circuits électriques et champs électromagnétiques". Selon les canons de l'enseignement supérieur français, cet enseignement se déroulait de manière assez inhabituelle. Chaque étudiant concerné en 1ère année du Caltech conduisait chaque semaine tout ou partie d'une expérience à son domicile, rédigeait un rapport dans un cahier, corrigé dans la semaine par le professeur qui lui prodiguait conseils et remarques par cet unique vecteur d'informations.

Une dizaine d'heures de rencontre effective était prévues entre les professeur et les étudiants. Ces séances étaient l'occasion de développer certains points particuliers ou d'aller plus loin à l'issue d'expériences porteuses de questionnements nouveaux.

Les sujets abordés étaient variés, et nécessitaient systématiquement de fabriquer soi-même son matériel d'expérience à partir de composants électriques et électroniques et d'un outillage de base (fer à souder, pinces, tournevis, fils et câbles divers, ...). Voici les grands thèmes abordés chronologiquement en une douzaine d'expériences réparties sur environ 20 semaines :

Un aspect nous a particulièrement séduits d'emblée : alors que l'observation se traduit fréquemment par une problématique de mesure, en physique, le module Zap! ne faisait appel qu'à un unique et élémentaire multimètre de bas de gamme (à aiguille). Même la mesure d'un coefficient d'induction mutuelle ou l'émission de micro-ondes - phénomènes dynamiques et rapides par excellence - pouvaient faire l'objet d'excellentes observations sans aucun moyen supplémentaire de mesure !


Adaptation au cursus d'une école d'ingénieurs française :

A l'origine donc, un fonds extraordinaire d'expériences, de techniques expérimentales - dont quelques concepts de mesure très sophistiqués  -, et des méthodes pédagogiques en décalage avec nos habitudes nationales. Par exemple, les évaluations américaines se déroulaient dans les chambres de la maison des élèves, sur la base d'un code d'honneur garantissant la validité de l'épreuve !

Sans aller aussi loin, nous avons dans un premier temps reconduit la même démarche et demandé à un groupe d'étudiants volontaires de 2ème année d'effectuer le même enchaînement d'expériences. Lors de la rentrée scolaire suivante, le module a pris place en 1ère année, désormais destiné à la promotion complète des nouveaux élèves-ingénieurs.

Force est de constater que l'adaptation de Zap! à notre état d'esprit français a fait long feu. Les premières sessions nous ont rapidement amenés à programmer 50 h de "cours" à l'emploi du temps, car nos étudiants se plaignaient de difficultés à mener à bien le programme. Donc, redistribution de l'activité entre les "cours" et la maison.

L'équipe enseignante a alors progressivement imaginé une méthodologie d'accompagnement des étudiants. Il fallait identifier les lacunes, l'origine des difficultés autant que possible, puis développer une meilleure progressivité des apprentissages. Au fil du temps, les cahiers-navettes furent abandonnés, ainsi que la prise en compte, dans l'évaluation des apprentissages, des rapports écrits à domicile.

Dans le même temps, des expériences ont été abandonnées, de nouveaux thèmes développés en accord avec les champs de recherche interne à l'Ecole des Mines :

et plus récemment :
Bien entendu, rien de révolutionnaire sur le plan scientifique dans tout cela, mais quelle différence entre produire un appareil ou un phénomène de ses propres mains, et disserter savamment sur son fonctionnement théorique !


Témoignages : deux exemples des difficultés rencontrées par l'équipe enseignante au fil des ans

Durant les premières années, nos étudiants se plaignaient de devoir assumer une charge de travail parfois excessive : alors que certains nous déclaraient passer en moyenne 4 à 5 heures par semaine à leur domicile pour la réalisation des expériences et la rédaction de leur compte-rendu dans le cahier-navette - ce qui correspondaient à nos estimations -, d'autres chiffres plus alarmants faisaient état de 8, 10 voire 12 heures hebdomadaires.

Ceci posait la question de la pression exercée par le module Apa vis-à-vis des autres domaines étudiés simultanément, et risquait d'induire un déséquilibre dans l'organisation des études.

A force d'écouter les étudiants et surtout parce que nous les voyions travailler en classe, nous avons fini par identifier l'origine de cette charge de travail que nous jugions totalement excessive. Des difficultés d'ordre purement technique (pannes, mauvaise compréhension du fonctionnement d'un circuit) retardaient et parfois entravaient l'activité scientifique demandée : faute de procéder avec méthode et selon une démarche systématique, nombre d'étudiants tâtonnaient des heures durant et, pour finir, se découragaient ou se persuadaient que les composants avaient un comportement aléatoire !

Il a suffi de leur apprendre - en classe, et en y consacrant du temps - à procéder avec méthode : avoir les schémas de principe sous les yeux, analyser le fonctionnement attendu, vérifier la présence de tensions caractéristiques, rechercher les pannes d'amont en aval ou selon une stratégie prédéfinie, ..... pour voir dans les mois suivants chuter de manière spectaculaire la charge de travail à domicile.

Travailler concrètement avec les étudiants chaque semaine durant 2h30, les accompagner dans leurs questionnements et leurs apprentissages, vivre à leurs côtés les périodes de doute voire de désarroi que rencontre tout "chercheur", tout cela offre naturellement pour l'enseignant une opportunité d'exercer un regard évaluateur sur la progression et le cheminement d'apprentissage de l'étudiant. Nous avons rapidement opté pour des séances d'activité individuelle, de type "devoir surveillé" mais avec tout le matériel et une mise en situation concrète conforme à nos objectifs de démarche inductive.

Bien au-delà se sont rapidement révélées d'autres "tentations" qui ne se manifestent pas dans une forme traditionnelle d'enseignement où l'interaction entre étudiants et enseignants est, de fait, bien plus limitée. Le cours d'Apa étant destiné à développer la réactivité, l'initiative et la créativité de l'étudiant, pourquoi ne pas aussi évaluer des compétences de type comportemental ? Et pourquoi ne noterait-on pas aussi l'étudiant sur son sérieux, son implication dans l'activité en classe, sa ponctualité et son respect des délais de réalisation ?

S'il est possible de dresser pour l'étudiant un "tableau de bord" de ses compétences et de leur évolution au cours du module, ce sera certainement un extraordinaire moyen de l'aider à progresser. En outre, ce pourrait devenir aussi un puissant outil d'aide pédagogique pour les enseignants qui rencontrent tant de difficultés à cerner les écueils congnitifs et les lacunes spécifiques à chacun(e).

Voilà en bref ce que fut notre "découverte" de scientifiques à l'origine bien ignorants des sciences de l'éducation et peu préparés à affronter les difficultés pédagogiques de ce nouveau type de formation. Et les premières années, nous y avons consacré bien du temps et de l'énergie. Durant presque chaque séance, il fallait annoter des grilles, appliquer des critères de contrôle, et auparavant harmoniser nos conceptions sur ces questions, ce qui - à 6 enseignants ! - ne manquait pas de poser bien des difficultés : comment évalue-t-on la réactivité ou la créativité ? Et le sérieux, comment cela se manifeste-t-il ? Quels critères communs pouvait-on déterminer et mettre en oeuvre pour être juste ? ....

Du côté des étudiants, beaucoup d'interrogations aussi. Fallait-il désormais se manifester auprès de l'enseignant ou valait-il mieux se taire, de peur d'être déconsidéré ? En 2000, la situation a atteint son niveau de crise : les étudiants se plaignaient de subir une pression permanente contraire à tout objectif d'apprentissage, et nous - enseignants - avions aussi pris conscience de l'ambigüité et même du paradoxe de notre double statut d'accompagnateur et d'évaluateur permanent.

Il fut acté que l'évaluation, en classe, des compétences comportementales était un échec, ne délivrant objectivement pas de ressources appréciables pour aider ou dynamiser l'apprentissage des étudiants. Désormais, l'évaluation ne concerne plus que les compétences scientifiques et surtout méthodologiques, dont nous avons pris conscience de l'importance et qui représentent depuis le coeur des apprentissages visés.

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